Nature Writing

Almanach d’un comté des sables d’Aldo Leopold

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Je publie ici mon ancien billet que ce grand classique du Nature Writing car, chouette, je viens d’acheter un autre livre de Leopold paru chez José Corti, Pour la santé de la terre. Du coup, j’ai relu l’Almanach.

Il y a des livres comme ça, qui dès les premières lignes font surgir des images, des lieux qui, même si vous ne les avez jamais parcourus autrement qu’en imagination, vous sont précieux. Pour moi, c’est l’image de la Grande Prairie américaine que foulent les troupeaux de bisons. Le continent américain a subi bien des désastres écologiques, et d’autres se profilent à l’horizon, mais rien n’est plus poignant ni plus significatif que la perte de la Grande Prairie et le massacre des bisons, évoqués avec regret par Aldo Leopold. Entre deux cours à l’université, ce dernier vient se ressourcer dans son domaine de 50 hectares de prés et de bois, situé dans le Wisconsin.

Au fil des mois, le naturaliste (qui a été aussi chasseur)  nous livre le fruit de ses observations et réflexions sur le monde sauvage qui l’entoure. Sur son domaine il croise cerfs, grouses, lapins, visons, ratons laveurs. Un arbre abattu permet à Leopold de remonter le temps et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Histoire du Wisconsin n’est guère brillante : 1872, mort du dernier dindon sauvage, 1899 le dernier pigeon migrateur est abattu, 1908 c’est le dernier couguar qui tombe sous les balles d’un chasseur, 1925 la dernière martre disparaît…mais malgré une biodiversité qui s’amenuise dans cet Etat, Leopold s’émerveille tous les jours du spectacle que lui offre la nature, que ce soit le concert symphonique des oiseaux à l’aube, où les couleurs délicates de la rivière à un certain moment de l’année.
Dans la seconde partie du livre, intitulée « quelques croquis » , Leopold évoque, entre autres, le destin des grands carnivores américains, l’ours et le loup en particulier, éternels condamnés, sacrifiés à l’autel du profit. Un épisode de jeunesse lui revient, particulièrement désagréable, et lorsqu’il s’approche du corps de la louve qu’il vient d’abattre, il mesure alors les conséquences douloureuses de son acte. La montagne est malade de la disparition des prédateurs mais qu’importe, l’homme n’a pas appris à penser comme une montagne, et ce constat lui inspire cette belle phrase reprise de Thoreau : « le salut du monde passe par l’état sauvage ». C’est assez malheureux d’entendre un si beau discours de la part d’un chasseur. Cela m’a d’ailleurs rappelé un peu le parcours de James Oliver Curwood…

La dernière partie « en fin de compte », est un constat, amer forcément, et une série de propositions sur la façon d’aborder l’écologie et les moyens de protéger la nature.
Publié en 1949, cet Almanach n’a pas pris une ride. Outil de réflexion et de connaissances, l’ouvrage d’Aldo Leopold est aussi une formidable invitation à nous émerveiller devant les beautés de la nature.

Un mot également sur la belle préface de Le Clézio, qui, je pense, aurait dû écrire sur ce sujet qu’il semble bien connaître et magnifier. Il avait déjà écrit la préface de Sue Hubbell.

photo : fatfinch.wordpress.com/

photo : fatfinch.wordpress.com/

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Ma vie dans les Appalaches de Thomas Rain Crowe

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Gros coup de coeur pour ce fabuleux bouquin classé en nature writing. Vraiment. L’expérience et la démarche de Thomas Rain Crow ont une résonance spéciale pour moi car non seulement je partage la plupart de ses convictions mais surtout  je me suis un peu reconnue dans sa parenthèse sauvage qui a duré presque 4 années. C’est un texte qui ne peut qu’enrichir son lecteur, et la prose est belle et riche. Merci au traducteur, Mathias de Breyne.

Ecrivain, traducteur et poète, Rain Crowe a fait partie de la Beat generation, a roulé sa bosse un peu partout et a exécuté plusieurs petits boulots le rendant polyvalent, dans le bons sens du terme. Aussi, lorsqu’il décide de franchir le pas – vivre pratiquement en autarcie dans un coin perdu des Appalaches – ses différentes expériences et ses convictions écologistes lui permettent de s’adapter à sa nouvelle vie avec une aisance que je lui ai enviée.

Profitant de l’hospitalité d’un fermier voisin, qui prête le bout de son pré et une petite cabane, Thomas Rain Crowe se prépare à sa vie hors du monde « réel », celui que nous impose le progrès et la civilisation, pour retrouver les plaisirs d’une vie simple et sans entraves, en harmonie avec la nature. Bien sûr, tout n’est pas toujours facile, le corps est sans cesse sollicité, couper du bois mort, travailler son potager bio, réparer ou aménager la cabane (j’ai souffert avec lui lors de la construction du cellier, travail harassant…) ne sont pas des activités de tout repos. Mais au bout de chaque journée, la récompense. Manger ses propres légumes, boire l’eau de la source, marcher en forêt, fraterniser avec les cerfs, écouter et observer les oiseaux qui viennent manger les graines. Apprendre de ses voisins (affûter une lame, confectionner sa première bière maison…), travailler avec les Cherokees sur un répertoire des sites sacrés.

Il aimait aussi s’installer dans son fauteuil près du poêle à bois pour relire Emerson ou Thoreau. Il aimait cette relative solitude et sentir les liens qui l’unissaient à ce bout de terre. Chaque chapitre se clôt par un de ses poèmes, presque tous dédiés à la nature, et ils m’ont bien plu.

S’il a parfois été obligé de prendre le fusil pour défendre ses récoltes, contre marmottes, écureuils ou lapins, il le fait à contrecoeur, parce que c’est une question de survie. Il n’a jamais rien chassé de plus gros, ne tirant ni cerf ni prédateur. L’essentiel de ses repas se compose des légumes et fruits de son jardin, occasionnellement un poisson.

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Bref, on est loin du Pete Fromm de Indian Creek (au fil des mois, je déteste de plus en plus ce roman et son auteur !) et c’est tant mieux. Ses points communs avec Sue Hubbell ou Aldo Leopold sont en revanche très nombreux. Ils ont la même vision de l’écologie, de ce qu’elle devrait être. Ce mot qui devient creux à force d’être utilisé à tort et à travers, retrouve ses lettres de noblesse sous la plume de Thomas Rain Crowe.

Il aborde également un problème qui me tient à coeur et que peu de gens qui se qualifient d’écologistes osent aborder : la surpopulation humaine. Je n’ai jamais compris pourquoi la plupart des écolos s’entêtent à démontrer que la terre peut accueillir plus de monde et qu’il sera possible de les nourrir. Ils ne pensent qu’en terme de subsistance (et ça me fait bien rire – jaune – quand on voit que plus de la moitié de la population mondiale ne mange pas à sa faim aujourd’hui !!) alors qu’il faut penser aussi et surtout en terme d’espace et de services. Maison, accès à l’eau potable, bon niveau de vie impliquant des infrastructures et la production toujours grandissante de produits de consommation, même courants, mode de chauffage (et oui, le bois n’est pas inépuisable), etc.  Et la contrepartie de tout ça, la réduction des espaces naturels, le bétonnage de la nature, la disparition d’espèces animales, la production de déchets dont nous ne saurons que faire, la nécessité d’avoir un travail ou des revenus, le besoin de loisirs, de biens matériels… On ne peut même pas cohabiter avec des loups ou des éléphants, comment cohabiterons-nous avec d’autres gens, sur des espaces de plus en plus restreints ?

Personne n’évoque non plus cette composante essentielle de l’homme et que l’auteur évoque avec justesse : le besoin élémentaire et vital de certains hommes de vivre dans une certaine intimité, en sûreté et en toute tranquillité. De plus en plus de citadins veulent quitter les villes pour retrouver la paix, loin du bruit, de la foule, de la violence aussi. Mais cette paix s’acquiert à coup de lotissement, de rond-points, de bretelles d’autoroutes, de centres commerciaux érigés là où il y avait des prairies et le bocage, des bois et des animaux. Bref, un redoutable casse-tête que Thomas Rain Crowe a expérimenté à petite échelle.

En effet, l’écrivain a fini par quitter ce coin des Appalaches, rattrapé par le progrès. Il vit aujourd’hui dans une petite ferme près d’une autoroute (ce qu’il déplore), pas complètement ré-adapté à la vie « réelle » mais reconnaissant d’avoir pu vivre cette parenthèse enchantée. Il sait combien les choses dont nous avons le plus besoin sont fragiles et il espère toujours que le bon sens finira par l’emporter. J’en suis moins sûre que lui mais je suis heureuse de savoir que des gens comme lui existent.

C’est donc une magnifique expérience que l’auteur nous rapporte, doublée d’une saine réflexion sur notre place et notre rapport au monde sauvage, dont dépend notre survie. Lecture à compléter, si ce n’est déjà fait, avec L’almanach du comté des sables et Une année à la campagne.

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Et comme il évoque le poète Carl Sandburg, je terminerai par ceci :

Early Moon de Carl Sandburg
The baby moon, a canoe, a silver papoose canoe, sails and sails in the Indian west.
A ring of silver foxes, a mist of silver foxes, sit and sit around the Indian moon.
One yellow star for a runner, and rows of blue stars for more runners, keep a line of watchers.
O foxes, baby moon, runners, you are the panel of memory, fire-white writing to-night of the Red Man’s dreams.
Who squats, legs crossed and arms folded, matching its look against the moon-face, the star-faces, of the West?
Who are the Mississippi Valley ghosts, of copper foreheads, riding wiry ponies in the night?—no bridles, love-arms on the pony necks, riding in the night a long old trail?
Why do they always come back when the silver foxes sit around the early moon, a silver papoose, in the Indian west?

 

 

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Promenons-nous dans les bois de Bill Bryson

promenons nous dans les bois.inddJe dois cette excellente découverte à Keisha, comme d’habitude, qui avait chroniqué le bouquin sur son blog. En plus d’être très drôle, ce récit m’a rappelé un tas de souvenirs, presque aussi mémorables que les aventures de Bryson. Moi aussi je suis randonneuse, et moi aussi j’ai connu mille et unes péripéties dues à un manque de préparation et une propension à croire que la rando, c’est facile. Quand j’avais une vingtaine d’années, après quelques années de préparation  (rando tous les dimanches à Fontainebleau, hum…), j’avais décidé que nous étions mûres pour notre première rando en autonomie sur plusieurs jours : nous avions choisi le GR Stevenson dans son intégralité. Bien évidemment, beaucoup de choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Malgré une préparation soigneuse et la lecture des cartes IGN, nous avons eu droit à presque tout : étapes de longueur inégale, mal de dos à cause de sacs trop lourds (ça c’est le grand classique, vous avez emmené plein de trucs qui vous ont semblé utiles au moment du départ, et qui vous empoisonnent finalement la vie tout au long du parcours!), impossibilité de se ravitailler en certains lieux dépourvus de la moindre épicerie locale, aucun sens de l’orientation, arrivée dans des gîtes déjà complets,  montage de la tente en catastrophe au milieu de nulle part alors que le ciel déverse des trombes d’eau… sans compter une course-poursuite due à une vache qui n’a pas apprécié que l’on traverse son pré. En prime, on a pris une bonne décharge électrique en franchissant la clôture en catastrophe !

Vous pensez bien  que je me suis plus ou moins reconnue dans le personnage de Bryson. Lui et Katz, son pote bedonnant, et alcoolo de surcroît, deux quadras un peu timbrés qui ont le culot de vouloir se frotter à l’Appalachian trail, un sentier de 3500 km environ (personne ne s’accorde sur sa longueur exacte) qui traverse plusieurs états.

Il y a plein de passages désopilants et cocasses, de l’achat du matériel dans une boutique spécialisée en passant par l’arrivée dans les refuges bondés, la crainte de rencontrer des ours et la compagnie forcée d’autres randonneurs tout aussi timbrés, l’impression que l’on va s’écrouler sous le poids du sac et mourir sur le sentier, l’obsession pour la crème glacée et le hamburger (bah oui, les fruits secs et les céréales, on finit par s’en lasser :-). Bryson avait deux obsessions : rencontrer un ours et éviter le coin qui a servi de cadre au roman Délivrance.

Et peut-être qu’il pleut aussi, une pluie glaciale, oblique, impitoyable, avec des grondements de tonnerre et des éclairs qui dansent sur les hauteurs avoisinantes. Peut-être qu’une troupe de scouts déprimants vient de vous dépasser au petit trot. Peut-être que vous avez froid, faim, et que vous sentez si mauvais que vous vous incommodez vous-même. Peut-être que votre seule envie est de vous allonger par terre et de faire le lichen : pas vraiment mort, mais totalement inerte pendant très très longtemps.

La fatigue, la faim, le froid, le découragement sont souvent balayés par la beauté des paysages, par les surprises révélées par la nature, un sous-bois recouvert de neige qui scintille sous le soleil, le voisinage d’un animal sauvage venu s’abreuver à la même source que vous. Bryson est capable de descriptions pleines de poésie et de ferveur émerveillée.

J’ai progressé à travers la clairière où la couverture neigeuse était-légèrement-moins profonde. ..
Mais tout était d’une beauté éblouissante. Chaque arbre portait un épais manteau blanc,  chaque souche, chaque rocher arborait un coquet bonnet blanc cotonneux; et il y avait ce calme parfait, immense, que l’on ne trouve nulle part ailleurs que dans une forêt après une grosse chute de neige.

Et puis il y a aussi le mauvais côté des choses. Bryson constate avec regret que le sentier est parfois suraménagé (ses descriptions sont hallucinantes !), que ses compatriotes n’aiment la nature que vue de leurs voitures, que certaines villes battent tous les records en nombre d’hôtels et de centres commerciaux, et que la plupart des américains rencontrés sont de gros amateurs fast-food incapables de faire plus de 100m à pied sur un trottoir à tel point que certaines villes sont hostiles aux piétons, comme le découvrira Bryson, à ses dépens bien sûr.

L’auteur nous parle aussi d’écologie. on s’image la nature américaine encore sauvage et préservée, surtout le long d’un sentier de grande randonnée. Que nenni. Le constat est amer, la nature résiste comme elle peut sous les coups de boutoir du citoyen, de l’administration, du businessman. Et les plus stupides sont ceux chargés de veiller justement sur les parcs !

Ici dans les Smokies, pas très loin de l’endroit où Katz et moi progressions maintenant, le Park Service a décidé en 1957 de revendiquer l’Abrahams Creeks, un affluent de la Little Tennesse River, pour y développer la truite Arc-en-ciel.
Dans ce but, des biologistes ont balancé des quantités extravagantes d’un poison appelé roténone sur une trentaine de kilomètres de cours d’eau.
En quelques heures des dizaines de milliers de poissons morts flottaient à la surface comme autant de feuilles d’automne – quel moment de gloire cela a dû représenter pour un naturaliste!
Parmi les 31 espèces de poissons qui ont été anéantis ce jour la il y avait un poisson chat, noturus bayleyi que les scientifiques n’avaient jamais vu auparavant.
Ainsi les biologistes du Park Service ont accompli la prouesse originale de découvrir et d’éradiquer dans le même mouvement une nouvelle espèce de poisson.

 

Bref, un gros coup de coeur, un vrai bonheur de lecture qui m’a fait beaucoup rire, et que je recommande sans la moindre hésitation, que vous soyez randonneur ou non.

 

PS : Robert Redford en a réalisé l’adaptation ciné (pas de date de sortie en France pour le moment).

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Une année à la campagne (Sue Hubbell)

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J’ai eu envie de relire ce livre pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’après plus ou moins trois ans d’hibernation (ma licence en lettres m’ayant réellement accaparée), j’ai repris mon activité de bénévole au sein d’une association de protection de la nature.  J’en ai profité pour changer de blog et m’engager dans une voie plus militante. Je ne désire pas pour autant plomber le moral de tous mes visiteurs en chroniquant des livres au ton souvent noir, j’aimerai aussi montrer le positif qui découle d’un changement de comportement ou de vie. L’ouvrage de Sue Hubbell (née  en 1935) ne peut qu’inspirer et donner des idées au moment où un certain nombre de citoyens partout dans le monde essaie de réinventer un modèle de société plus sobre, solidaire et respectueux de la nature et des autres êtres vivants. Lire Sue Hubbell est comme respirer une bouffée d’air frais, ça donne des ailes !

La préface, délicieuse, est signée par Le Clézio (c’est lui qui avait écrit celle de l’Almanach du comté des sables d’Aldo Leopold).

A la fin du livre, ma première réflexion fut : qu’est-ce que j’aimerai la rencontrer ! Sue Hubbell a eu un parcours comme je les aime, imaginez un peu, à la fois biologiste et bibliothécaire !!

Un beau jour, elle décide d’aller vivre à la campagne, dans le sud du Missouri, plus précisément dans les monts Ozark. Bien que parfaitement ignorante en matière d’élevage ou d’agriculture, Sue se lance avec un bel enthousiasme dans le métier d’apicultrice. Contre toute attente, elle réussit dans ce domaine, sans doute car elle est une femme à l’intelligence vive, toujours en éveil, grande observatrice, douée de patience et surtout sans cesse émerveillée par la nature qui l’entoure. Ses réflexions et observations témoignent de son intérêt et de son amour pour toutes les autres créatures vivantes, même celles parmi les moins aimées de ses contemporains : les serpents et cafards, les araignées et les coyotes…

« Un autre événement important a eu lieu, que je dois au semi-abandon dans lequel je laisse mon domaine. Un soir, vers la fin de l’automne, j’étais allée dîner chez des amis et je rentrais tard. Lorsque j’arrêtais la voiture devant la grange, la nuit fourmillait d’yeux (…) J’éteignis les phares, descendis sans bruit de la camionnette. Je me trouvais au milieu de troupeau de cerfs. C’était une nuit sans lune mais à la lueur des étoiles, leur silhouette se détachait assez clairement et, n’étant plus aveuglés par les phares, ils se détendirent et se remirent à brouter l’herbe et le trèfle encore verdoyants  qui avaient poussé autour de la grange et en-dessous ».

Je craignais de m’ennuyer un peu en lisant les passages consacrés aux abeilles, il n’en fut rien. Sue Hubbell a un talent remarquable de conteuse, qui sait donner de l’importance à de menus faits ou à des observations scientifiques. Il émane une paix certaine de ses constatations qui permet au lecteur de se couler dans son mode de vie. Travailler en accord avec sa terre, regarder passer les saisons, nourrir ses réflexions, s’accommoder des petits tracas de l’existence, tirer les leçons de diverses expériences…

Elle savait parfaitement se débrouiller en de nombreux domaines, la menuiserie, bricoler un poulailler, scier un arbre et même réparer une voiture et un tracteur. Qui a dit que les intellectuels ne savent rien faire de leurs dix doigts ?

J’ai autant adoré lé récit de cette formidable expérience autant que le ton et le style de l’auteur.

« Nous sommes donc là sous les chênes dans l’aube naissante – les parasites, les papillons de nuit, les chauve-souris, les moustiques et moi. Nous formons un ensemble harmonieux qui en vaut bien un autre et qui me convient parfaitement pour boire mon café et regarder le jour se lever. »

Un récit nostalgique et empreint d’espoir car il me semble qu’une telle vie simple est à la porté de tous, à la condition de se montrer tolérant, humble et ouvert d’esprit, envers toutes les autres créatures qui nous côtoient. Un immense coup de coeur, pour le livre et pour cette femme écrivain.

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En vol (Alan Tennant)

Je suis particulièrement contente de pouvoir faire découvrir ce beau titre de la collection NW de Gallmeister. C’est à la fois un récit de voyage et un vrai livre d’écologie qui traite des problèmes rencontrés par la faune sauvage, surtout en matière de pollution.

Ici, Alan nous conte l’histoire de sa folle jeunesse et du rêve qu’il a en partie réalisé : suivre la migration des faucons pèlerins. Il embarque avec lui un vétéran et as de l’aviation, George Vose, (le tandem qu’ils forment est plutôt savoureux…) afin de suivre la migration d’un faucon équipé d’un émetteur radio. (En fait il y en aura plusieurs au fil des mois : Amélie, Anukiat, Nina Gorda, Delgada). On s’attache très vite à ces magnifiques rapaces, on s’inquiète, on tremble, vont-ils échapper au grand-duc ? Vont-ils s’empoisonner ? Se faire tuer par les hommes ?   Pouvez-vous imaginer ça ? Un naturaliste enthousiaste et un vieux pilote ronchon suivant des rapaces à bord d’un Cessna ?

Mêlant explications scientifiques passionnantes sur les techniques de vol – et de survie – des faucons, aventures en tous genres (j’ai cessé de compter les passages où Alan est persuadé que l’avion va se crasher) et journal de voyage, ce formidable récit est une invitation au voyage et à la découverte de la faune sauvage.

Je regrette souvent que certains naturalistes ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, se contentant d’étudier une espèce en particulier, en faisant abstraction de leur milieu et des autres espèces. Ici heureusement, ce n’est pas le cas car le témoignage d’Alan est émaillé de considérations écologiques sur les ravages de la pollution (le DDT surtout mais aussi le paraquat en Amérique du sud) sur les oiseaux, sur les paysages fabuleux des contrées encore intactes (mais où l’on voir aussi les ravages opérés en Amérique du sud par l’exploitation du pétrole et la lutte contre les trafiquants de drogue).

Le mystère plane toujours sur la migration des pèlerins, et après tout, c’est aussi bien…

C’est aussi l’histoire d’un homme qui a eu l’audace de donner corps à son rêve, et de trouver un sens à sa mission, et même à sa vie, comme il le dit à la fin de son récit. J’ai aimé ce mélange de faits scientifiques et de poésie (ses descriptions des milieux naturels m’ont parues poétiques, et oui…, bref, une belle plume, sans jeu de mots) pour un bel hymne à la liberté. D’ailleurs, en 2005, Robert Redford a acheté les droits d’adaptation. Je ne sais pas s’il compte réaliser le film ou s’il passera le flambeau, faute de temps, mais il est facile de comprendre pourquoi un tel livre peut susciter l’enthousiasme.

Bref, j’ai été conquise aussi bien par le contenu, c’est du très bon Nature writing, que par la personnalité de Tennant et la qualité de sa prose.

 

Traduction : Jacques Mailhos

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Forêts sauvages (Robert Hainard)

Attention, grand livre ! Grand par la qualité de la prose et le contenu. Robert Hainard était un touche à tout de génie, qui a passé l’essentiel de son temps à parcourir les forêts d’Europe. Peintre, graveur, sculpteur, écrivain, naturaliste… il écrivit de nombreux textes dont certains sont rassemblés dans cette anthologie proposée par son fils. Il restitue aussi bien ses observations de terrain que ses considérations sur la façon dont notre civilisation traite la nature.

On ne sait plus aujourd’hui ce qu’est une forêt sauvage, ou bien on croit le savoir. Dans notre pays qui compte 16 millions d’hectares de forêts, on se pense privilégié. Mais curieusement, la forêt française, morcelée, abrite un nombre d’espèces animales, celles inféodées à ce milieu, plutôt restreint. En témoigne l’état des populations du grand tétras ou du pique-brune pour ne citer que ceux-là.

Pourquoi ? Parce que le propriétaire forestier confond la forêt et un jardin : rentabilité économique, allées, sous-bois « nettoyé », coupes, éclaircies… Quand je disais qu’il fallait lire William Gilpin !

Avec Robert Hainard, nous découvrons ce qu’est réellement la forêt sauvage : un lieu propice à l’imagination, un écosystème libre où l’entretien n’est pas nécessaire (vive le bois mort et les sous-bois embroussaillés…). Les hommes ont du mal à accepter l’idée que la forêt se passe aisément de nos interventions. Elle n’a pas besoin d’être gérée, redessinée, encadrée, améliorée.

En toutes saisons, nous suivons Robert Hainard au hasard de ses pérégrinations, pleines de descriptions poétiques, nous attendons, comme lui, le coeur battant, la rencontre inespérée d’un ours ou d’un loup, nous croisons le cerf ou le sanglier. C’est un livre qui sent la pluie, l’humus et la brume, un livre précieux pour nourrir ses propres réflexions (ou préparer ses affûts !).

Un beau coup de coeur !

« Je me retourne, mi-conscient, le sommeil léger d’une longue nuit d’hiver.
Mais la seule bête que j’aie vue, c’est un bouvreuil replet, ventre merveilleusement rose, cape noire, buvant de son bec épais au miroitement d’une source minuscule qu’une barre de roche, au fond du ravin, fait affleurer parmi les feuilles brunes. »

Puisque notre civilisation doit inéluctablement se dévorer elle-même après avoir tout dévoré, pourquoi ne pas prévoir, imaginer un peu ? Pourquoi ne pas y penser, pendant qu’il reste quelque chose à sauver ? Car, sauver dans cinquante ans la dernière violette sous le dernier buisson, ou garder maintenant l’ours et le bison dans la forêt vierge, c’est au même prix ; une révolution profonde ; seule la date change.

 

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Catégories : L'arbre qui cache la forêt, Nature Writing | 2 Commentaires

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