Tout droit jusqu’au matin

La Passe-miroir : la tempête des échos de Christelle Dabos

Que dire sur l’ultime épisode qui clôt une saga qui aura emporté mon imagination et m’aura offert un coup de coeur littéraire incontestable depuis Les fiancés de l’hiver et ma première rencontre avec Thorn, Ophélie, Archibald et Bérénilde. De cette excellente série, je retiens la découverte d’un mode riche, coloré et incroyablement poétique qui a eu le pouvoir de me transporter hors de ma vie quotidienne le temps d’une lecture. C’est donc avec autant d’impatience que d’appréhension que j’attendais la sortie de cet ultime volet, bouquet final d’un joli feu d’artifice créé par une jeune auteure entrée sans préambule dans la cour des grands. Hélas, mes attentes étaient sans doutes trop grandes et ma déception fut réelle avec le 4ème tome, même si je l’ai aimé en grande partie et que certaines trouvailles sont réellement bluffantes.

Sans remettre en cause le talent de Christelle Dabos et la puissance de son imagination, je regrette profondément certains choix et parti-pris qui ont suscité lors de ma lecture des moments d’ennui et un sentiment de frustration, je l’avoue. Enfin, l’intrigue se dénoue et le lecteur finit par comprendre le lien entre les échos, l’effondrement des arches, Eulalie Dilleux et l’Autre qu’Ophélie et Thorn poursuivent depuis l’Arche de Babel, le 3ème tome. Ce dénouement m’a paru incroyablement confus et tiré par les cheveux, il m’a semblé en fait que Christelle Dabos a complexifié son intrigue à outrance, donnant assez brusquement une dimension philosophico-religieuse disproportionnée aux aventures de notre Liseuse. Qui plus est, l’arche de Babel est le monde que j’ai le moins préféré de toute la saga, et m’y retrouver à nouveau coincée dans ce dernier tome ne m’a pas enthousiasmée plus que ça.

Pire encore, j’ai été affreusement déçue du sort réservé à des personnages auxquels je m’étais attachée et qui sont juste survolés, voire abandonnés dans ce livre : je pense évidemment à Archibald (comme je regrette son rôle de faire-valoir…), Bérénilde, la tante Roseline, Gaëlle et Renard. Cantonnés aux seconds rôles, certains vont connaître une fin tragique, d’autres ne seront qu’effleurés pour servir l’intrigue. Et que dire que de la petite Victoire, dont la place aurait pu être centrale, à la personnalité intrigante et au potentiel plus qu’intéressant ? Et bien pas grand-chose justement, car elle demeure largement inexploitée elle aussi.

Enfin, j’en terminerai avec nos deux drôles d’amoureux, Ophélie et Thorn. Là encore, la fin (et sans vouloir rien dévoiler) est une cruelle déception. Oui, je sais, c’est la mode une fin ouverte, le lecteur imagine ce qu’il veut… Moi je dis que c’est procédé pour auteur timide ou paresseux. Ou bien est-ce rebutant à ce point les happy end ? trop convenus , trop faciles ? Mais moi je les aime les happy end, je les veux ! Bref, aucune satisfaction de ce côté là non plus, je confesse donc que La tempête des échos fut, à mon grand regret, une lecture globalement plutôt laborieuse.

J’ai une pensée pour Christelle Dabos tout de même, je sais bien que chaque lectrice ou presque avait en tête sa fin idéale. J’imagine aussi la pression de l’éditeur aussi bien que des lecteurs pour clore en beauté une saga qui s’est très bien vendue. Et en même temps, j’imagine bien que l’auteure a dû ou su résister à la tentation de faire plaisir à tout le monde, en écrivant son livre, celui qu’elle voulait créer, pas celui dont ses lecteurs rêvaient. Cela ne doit pas être évident de concilier tous ces désirs. Voilà, cela ne m’empêchera pas de suivre son travail, l’après Passe-miroir, car elle mérite largement de figurer parmi les valeurs sûres de la fantasy.

 

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Agent double de Daniel O’Malley

J’avais eu un coup de coeur pour le premier volume des aventures de la Checquy, cette agence britannique spécialisée dans les phénomènes surnaturels, et c’est donc avec un enthousiasme quasi délirant que je me suis précipitée sur la suite. Si ce second tome tient toutes ses promesses, j’avoue avoir eu un peu de mal à entrer dans l’histoire au cours des 100 premières pages. La raison tient en un mot : les Greffeurs. Cette abominable société secrète belge m’avait passablement écoeurée dans le premier volet, la voilà au centre de l’intrigue dans agent double. Beurk ! Fort heureusement, l’auteur, toujours aussi timbré, ne s’attarde pas plus que nécessaire (enfin, tout est relatif…) sur ces dégoûtantes expériences. Ceci dit, le lecteur n’est pas pas pour autant épargné par les créatures répugnantes, ça non. Ayez le coeur bien accroché !

Si la Tour Myfanwy  Thomas est toujours aux commandes, c’est un improbable duo d’héroïnes qui occupe le devant de la scène (vous noterez que les femmes sont à l’honneur chez Daniel O’ Malley). Tout d’abord, Félicity, Pion de son état et sorte de James Bond au féminin, et Odette, adolescente Greffeuse, adepte des bains de beauté pour le moins inhabituels… Pendant que la Checquy et les Greffeurs tentent un rapprochement diplomatique, le très méchant de l’histoire essaie de faire capoter cette tentative de paix et il faudra toute l’intelligence de ces agents très spéciaux pour stopper le massacre.

Pas de mauvaise surprise dans cette suite, le lecteur aura droit à son quota d’action, de rebondissements, de révélations en tous genres, d’humour so brittish mais aussi de scènes un peu gore quand même, et d’intrigues particulièrement tordues sorties de l’imagination délirante de M. O’Malley. Le résultat fut donc à la hauteur de mes espérances, un excellent moment de lecture, un roman drôle et original, avec un arrière-goût de revenez-y.

 

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La passe-miroir, tome 3 : La mémoire de Babel par Christelle Dabos

Troisième tome des aventures de la liseuse Ophélie et troisième arche, cosmopolite et originale : Babel. Après un suspense quasi-insoutenable à la fin du second volume, il me tardait de retrouver cette drôle d’héroïne et son amoureux, d’autant que leur mission, mettre Dieu hors d’état de nuire, s’annonçait à la fois excitante et périlleuse. Alors, que dire de ce troisième volet ? Et bien dans l’ensemble, il a tenu ses promesses mais hélas, il est demeuré à mes yeux un tome de transition. Deux ans se sont écoulés entre la fuite de Thorn du Pôle et l’arrivée d’Ophélie sur Babel. Un nouveau monde avec de nouveaux personnages, dont l’énigmatique mais intrigant Octavio, que l’on reverra j’espère.

Les personnages justement, parlons-en : petite déception avec la mise en retrait du charmeur Archibald, de Bérénilde et de la tante Roseline. Ils m’ont diablement manquée, je l’avoue. Pour autant, Christelle Dabos a su maintenir l’intérêt des lecteurs en éveil avec l’apparition de la petite Victoire, fille de Bérénilde et Farouk, enfant singulière – et pour cause – qui sera certainement au centre du quatrième livre. Je regrette également un schéma plaqué sur le premier volet : Ophélie redevient cette fille un peu molle et passive, et Thorn semble se figer dans une attitude qui le dessert sur le plan émotionnel. Le choix de cette non-évolution m’a quelque peu chagrinée, d’autant que la nouvelle « couverture » de notre Ophélie-détective n’est pas des plus originales. Il y a petit côté « école de Harry Potter » avec ses épreuves, ses bizutages et ses méchants élèves qui vont tout faire pour écarter Ophélie de cette curieuse académie, thème hélas recyclé chez bien d’autres auteurs.

Heureusement que ces petites faiblesses sont contrebalancées par une imagination foisonnante de l’auteure qui parvient à recréer un monde fascinant, riche, coloré en quelques traits de plume. La richesse des descriptions et du vocabulaire, les surprises dont le récit est parsemé, les trouvailles et rebondissements forcent l’admiration, car si je peux bien à nouveau chipoter sur certains détails, je continue à clamer que Christelle Dabos a un vrai talent d’écrivain et une place certaine dans les auteurs de fantasy qui comptent. Ce gros pavé a été dévoré rapidement et presque sans pause, et je le relirai certainement plus tranquillement pour digérer tous ces nouveaux événements.

L’horloge fonçait à toute allure. C’était une immense comtoise montée sur roulettes avec un balancier qui battait puissamment les secondes. Ce n’était pas tous les jours qu’Ophélie voyait un meuble de cette stature se précipiter sur elle.
– Veuillez l’excuser, chère cousine ! s’exclama une jeune fille en tirant de toutes ses forces sur la laisse de l’horloge. Elle n’est pas si familière d’habitude. À sa décharge, maman ne la sort pas souvent. Puis-je avoir une gaufre ?

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Miss Peregrine et les enfants particuliers de Ransom Riggs

Comment aurais-je pu passer à côté de ce roman qui a fait l’objet de critiques dithyrambiques aussi bien sur les blogs que dans la presse ? Plus encore, un roman qui a été adapté au cinéma par Tim Burton himself ?

De cette plongée dans un univers fort étrange, on ne ressort pas vraiment indemne. Ce n’est pas tant le récit original et intrigant, ni l’attirance de l’auteur pour les atmosphères lugubres ou macabres, que la présence de ces photos incroyables, portraits en noir et blanc d’enfants bien singuliers, qui permettent au lecteur de s’immerger totalement dans l’univers merveilleux de Ransom Riggs.

Ces enfants particuliers, aux multiples talents qui rappellent fortement les jeunes mutants des X Men, vivent dans une boucle temporelle, guidés et protégés par Miss Peregrine qui est une Ombrune. Le jeune Jacob Portman, héros de ce roman, se retrouve lié à ces étranges créatures, dont son grand-père, décédé dans de mystérieuses conditions, lui narrait les aventures inquiétantes. Ici, la petite histoire de famille (le grand-père de Jacob n’a jamais été très proche de son fils et se rattrape donc avec son petit-fils) rejoint la grande Histoire avec en filigrane la seconde guerre mondiale et le nazisme. Les monstres des Enfants, les Estres, sont les monstres des Humains, et la peur qui s’installe dans le coeur de Jacob est la même que celle qui habite les gens de l’époque où il évolue par la force des choses, ceux et celles que le chaos de la guerre terrifie.

Roman fantastique certes, mais aussi roman d’apprentissage car le jeune Jacob va se forger sa propre personnalité et balayer ses hésitations d’adolescent à travers les multiples péripéties qui vont émailler son voyage.

Un voyage géographique et temporel, car si une boucle se contente de répéter ad vitam aeternam une période précisément délimitée, laissant croire aux plus naïfs que l’immortalité est à portée de main, elle permet également de retourner dans le passé, commodité que Jacob et ses nouveaux amis vont mettre à profit.

Si le personnage du jeune héros est bien sympathique, ce sont bien ces Enfants Particuliers qui retiennent l’attention et captivent, bien plus à mes yeux que l’Ombrune, Miss Peregrine. J’ai donc hâte de lire la suite et ça tombe bien, 2 autres romans suivent plus deux livres dérivés.

Ransom Riggs me plait bien, il a l’air d’un gars plein d’humour comme le laisse supposer son site, très sympa. A suivre.

PS : j’ai vu l’adaptation de Tim Burton, qui retrouve là un peu de sa grandeur passée et ternie il faut bien le dire par quelques navets commerciaux. Le film est plutôt chouette mais le livre est meilleur…

 

 

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S’accrocher aux étoiles de Katie Khan

Je crois bien que j’ai un faible pour le catalogue des éditions super 8, je leur dois de belles découvertes, dont « Carter contre le diable » ou « Au service surnaturel de sa majesté », entre autres. Voici une autre très bonne surprise avec cette romance intersidérale qui, il est vrai, rappelle énormément le scénario de Gravity, lequel aurait été saupoudré d’une romance comme je les aime.

Elle c’est Carys, qui a l’étoffe d’une héroïne, c’est à dire qu’elle pilote des navettes,  lui c’est max, cuisinier qui se rêve pilote. Nos deux tourtereaux vivent dans la société du futur où il a été édicté que l’on ne peut vivre en couple en deçà de l’âge de 35 ans. Comme le rappelle l’un des personnages : sur Utopia, c’est l’individualisme quand tu es jeune, la famille quand tu es vieux ! L’auteure nous dépeint une nouvelle société qui parait idéale, mais vous savez bien comment ça se passe avec ce type société : il y a toujours un quidam pour gratter là où ça fait mal, pour réfléchir et pour se dire, ben non, finalement, c’est pas si bien que ça.

Et Carys et Max ont l’idée pas très sage de s’aimer à 25 ans, autant dire qu’ils vont se faire mal voir… Bien sûr, la punition, si l’on peut appeler ça comme ça, ne tarde pas à tomber. Une ceinture d’astéroïdes gêne considérablement les vols spatiaux, et les instances dirigeantes décident d’envoyer notre couple maudit jouer les cobayes et accessoirement les kamikazes. Et c’est évidemment lorsqu’ils sont enfin dans l’espace, que la comparaison avec le film Gravity vous saute aux yeux.

Et pourtant, on aurait tort d’y voir une pâle copie du film. D’abord, parce que l’histoire d’amour entre Carys et Max est touchante et intense, et que les chapitres alternent entre leur passé commun, leur rencontre et ce qui s’ensuivit, et ce suspense insoutenable qui se diffuse dans ceux consacrés au voyage dans l’espace. Mais surtout, le tour de force de Katia Khan, c’est cette fin brillante et originale, qui peut paraitre un brin frustrante mais qui satisfera obligatoirement le lecteur ou la lectrice. C’est beau l’amour, quand même….

Trêve de sottises, un bon roman qui m’a touchée, ni glauque, ni sordide, ni vulgaire… ça fait du bien. Et en prime (mais qui en aurait douté ? ) il va être adapté au cinéma. Que demander de plus ?

Grand merci à Babelio et à l’éditeur pour ce masse critique.

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Comme un conte de Graham Joyce

Voilà un roman qui a failli être un coup de coeur. Failli seulement….

Repéré dans le catalogue Bragelonne, et auréolé de quelques prix non négligeables (Imaginales 2015, British fantasy award 2013…),  le roman de Joyce avait piqué ma curiosité car le récit me rappelait évidemment la légende de Thomas le Rimeur. Ici, c’est une jeune fille qui, disparue pendant 20 ans, se présente dans sa famille un soir de Noël. On peut imaginer le choc subi par les parents et son frère aîné, d’autant que Tara, notre héroïne, est bien troublante. Son apparence physique a très peu changé et son absence repose sur une histoire à dormir debout : elle aurait été retenue dans le monde des fées durant toutes ces années !

Une histoire bien originale comme je les aime qui met donc en scène une famille anéantie par le retour de Tara et qui tente de retrouver un sens à cette tragédie, chacun à sa façon, tout en livrant quelques secrets sur le monde féérique. Si le frère de Tara, buté et rancunier,  Peter, refuse de croire sa soeur, au point de lui payer des consultations chez un drôle de psy, il n’en va pas de même pour Ritchie, l’ex-petit ami, looser attachant, dont les retrouvailles avec Tara sont douloureuses.

C’est bien le personnage le plus sympathique de ce récit, celui qui m’aura le plus touchée en tout cas, avec, peut-être, Jack, le neveu de Tara, lancé bien malgré lui dans un quête pour racheter une mauvaise action.

Ritchie apporte chaleur et humanité en opposition à Tara, lointaine, énigmatique et inaccessible. Tandem pourtant attachant et j’avoue avoir été tour à tour triste et heureuse pour ces deux-là. Le récit est plein de délicatesse et non dénué de poésie, et puis il pousse à réfléchir, encore et encore, sur le pouvoir de notre imagination, sur notre tolérance à accepter la présence du Petit Peuple à nos côtés, que cette vie soit réelle ou rêvée.

Bref, tout aurait été parfait jusqu’à l’incursion de Tara chez les fées ou elfes, bien qu’ils n’aiment pas qu’on les nomme ainsi… Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que cette communauté hippie dont les membres ont pour unique passe-temps de forniquer de toutes les manières possibles !! Au secours ! Quelque peu choquée d’abord par la vulgarité des propos qui tranche singulièrement avec le ton de l’ouvrage, je me suis surprise à rire face au ridicule achevé de certaines situations : le passage du lac vaut son pesant de cacahuètes, croyez-moi ! Adieu mystère, poésie et onirisme, Joyce choisit le trivial pour… quoi, au juste ? Démontrer que Tolkien avait tout faux ? Que les Elfes sont de parfaits païens qu’il ne fait pas bon fréquenter ? Je ne sais absolument pas quel message l’auteur a voulu faire passer, mais ce que je sais, c’est que sa vision des fées est la faute de goût  qui m’a poussée à classer ce roman parmi les livres très sympas, plutôt que le chef-d’oeuvre inoubliable qu’il aurait pu être… C’est dommage mais cela ne m’a pas empêchée d’apprécier tout de même Comme un conte, tout en regrettant le potentiel gâché.

Par curiosité, je ne renoncerai pas pour autant à lire un second roman de cette écrivain, si quelqu’un à un titre à me conseiller, je suis preneuse.

 

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La trilogie Wielstadt de Pierre Pevel

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Attention coup de coeur !

L’histoire se passe en 1620, dans une ville imaginaire du Saint-Empire germanique, ravagé par une longue guerre.

Le héros de cette trilogie est le chevalier Krantz, à mi-chemin entre le justicier et l’exorciste qui assume des missions pour les Templiers. Dans le premier volume, il est question de goules qui pillent et assassinent, répandant la terreur dans la ville. Pourtant, celle-ci bénéficie de la protection d’un énorme dragon, mais cette créature ancestrale ne peut rien contre les ennemis internes à la cité.

« La tempête de neige faiblit, à présent ; elle cessera d’ici peu. Lâchant prise, le dragon bascule soudain du haut de la falaise. Il tombe à pic vers les eaux agitées de la Rhein See, entraîné par sa masse énorme, le corps tendu pour mieux fendre l’air, tête la première, les ailes collées à lui. La descente est vertigineuse, impossible : trois à quatre cents pieds de chute que le dragon accomplit le temps de quelques battements de cœur. Il a presque rejoint les flots quand ses ailes se déploient dans un grand claquement de cuir. Le plongeon devient alors un vol plané que le dragon prolonge à plaisir, au ras des vagues dont les embruns trempent les écailles grisâtres de son ventre. Il file ainsi une longue minute, sans un mouvement, avant d’obliquer vers Wielstadt. »

Dans son enquête, Kantz est épaulé, parfois, par Le Lieutenant du Prévost, Rainer Von Regenhalt, et quelques uns de ses amis, dont le bon géant Feodor, le nain Willemm, ou le faune Zacharios qui tient l’auberge de la Cigogne Noire. Ici en effet, les êtres humains cohabitent avec des créatures féériques ou des peuples anciens (Nains, centaures…).

D’ailleurs, le premier chapitre des Ombres de Wielstadt s’ouvre sur une course-poursuite haletante entre une petite fée et un corbeau. Elle sera sauvée de justesse par Kantz, puis baptisée Chandelle. Une excitante entrée en matière car on trouve déjà tous les ingrédients de la trilogie, un héros solitaire, confronté à des événements magiques ou surnaturels… et d’horribles ennemis sous forme de goules (de bien répugnantes créatures…).

Dans le deuxième volet, il est question d’une très ancienne prophétie, d’une société secrète qui va causer bien des tracas, d’une cour des miracles et de son roi Misère, d’une mystérieuse Dame en rouge qui protège la cité, tandis que dans le troisième épisode, nous faisons connaissance avec le redoutable voleur de visages, une belle trouvaille même si j’ai regretté, un peu, les crimes plutôt glauques et les trop nombreuses références bibliques… Mais le cadre historique est soigné, comme toujours, la langue est belle, aucun dialogue n’est artificiel ou superflu, bref, une réussite de ce côté là.

Les trois livres sont évidemment liés puisque nous retrouvons une bonne partie des protagonistes tout au long de la trilogie (malgré le départ ou la mort de certains d’entre eux), on mentionne la Sainte-Vehme à plusieurs reprises, et surtout, on assiste au profond changement qui affecte Kantz et qui trouve sa conclusion logique dans les dernières pages. Tout comme dans les Lames du Cardinal, j’ai retrouvé ce plaisant mélange de fantasy et de roman d’aventures historiques. Pevel est un peu le fils spirituel d’Alexandre Dumas, et tout comme lui, il sait rendre ses personnages diablement attachants. Ce n’est pas sans un petit pincement au coeur que l’on dit adieu à Kantz au terme de cette excellente intégrale.

Je me suis donc replongée avec le plus grand des plaisirs dans ces récits qui m’ont permis d’ajouter un nouveau héros à mon panthéon personnel : Kantz est en effet le héros par excellence, solitaire et auréolé de mystère, l’un de ceux que l’on ne peut oublier. Les scènes de bravoure sont nombreuses mais l’émotion affleure toujours et le troisième volet est certainement le plus poignant des trois. Je me demande si de tous les romans de Pevel, je n’ai pas une petite préférence pour cette trilogie…

Une belle relecture pour moi et une chouette initiative des éditions Pocket d’avoir regroupé ces trois volumes.

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Contes de Wilhelm Hauff

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Qu’est-ce que j’ai pu les aimer ces contes… Enfant, j’avais déniché dans la bibliothèque familiale une version abrégée qui contenait seulement les contes de la Caravane. Je n’ai jamais oublié cette merveilleuse lecture, aussi je m’étais précipitée sur cette version parue chez Actes Sud dès sa sortie. Il existe aussi l’édition poche chez Babel.

Cet écrivain allemand du XIXème siècle (1802-1827) est considéré dans son pays comme le fils spirituel des frères Grimm. Ici, on retrouve les contes regroupés sous le titre « la caravane », avec en prime des inédits, « le cheikh d’Alexandrie et ses esclaves » et « l’auberge du Spessart », ainsi que des illustrations.
Ces contes ont pour cadre l’orient magique, Alexandrie, Bagdad, ou l’Allemagne et ses forêts profondes et même l’Ecosse, et ils commencent pratiquement tous de la même façon : des personnages sont placés dans une situation un peu difficile (des marchands sur le point d’être attaqués par des bandits dans le désert, un groupe de voyageurs prisonniers d’une auberge pleine de brigands…) et qui, pour conjurer la peur, racontent à tour de rôle une histoire. Mes contes préférés sont ceux de la Caravane, surtout l’histoire de la main coupée et celle du petit Muck.

Ces contes un peu cruels, mais toujours empreints de sagesse et de merveilleux, n’ont d’autre but que d’ouvrir les yeux aux enfants et aux adultes, en leur enseignant la bonté et la sagesse, le courage et la loyauté. Il y a également, en ouverture, un conte intitulé La princesse des contes en robe d’Almanach. La princesse se désole de l’accueil froid des hommes qui, « ont placé à leurs portes de savants gardiens , qui sondent et examinent d’un oeil aigu, ô reine Imagination, tout ce qui vient de ton royaume. Quand arrive quelqu’un qui n’entre pas dans leurs idées, ils poussent de grands cris, le tuent ou le calomnient… ». Cela rappelle le message délivré par Michaël Ende dans l’Histoire sans fin ou celui de James Matthew Barrie à travers la fée Clochette.

Moi, je les ai relus avec un plaisir fou tant ils semblent intemporels, dans le fond comme dans la forme, le tout servi par une belle écriture, et un bel écrin car les éditions Actes Sud ont soigné cette réédition.

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Haut-Royaume – Les 7 cités (trilogie) de Pierre Pevel

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Tout écrit de Pierre Pevel étant impatiemment attendu, j’ai acheté les trois livres d’un coup, petit cadeau fait à moi-même pour l’occasion. Il faut aimer Pevel pour faire ce sacrifice, je vous le dis tout de suite. A presque 18 € le tome, je vous laisse faire le calcul, d’autant que chaque livre ne dépasse pas les 250 pages. Il eût été plus sympa de vendre les 7 cités en un seul volume, et je préviens d’ores et déjà les gars de Bragelonne : si la cote de Pierre Pevel s’envole à ce point là (je pense notamment à la prochaine sortie de la nouvelle basée sur les Lames du cardinal, je crains le pire au niveau prix !), ce sera sans moi ! Après tout, les bibliothèques municipales sont bien utiles pour les petits budgets, profitons-en que diable ! Mais je referme cette parenthèse sur de basses considérations matérielles pour évoquer plutôt la trilogie.

Les fans de Pierre Pevel y trouveront leur compte, rien ne manque, ni le panache et les aventures, ni les coups bas, les trahisons et les complots, les retournements de situation, et on se prend vite d’affection pour la petite bande de cambrioleurs, Iryän et Svern en tête. Le premier est mi-homme, mi-drac, le second est un Skande pour lequel on se sent une sympathie immédiate. La ville de Samarande est presque un personnage à elle seule et Pierre Pevel excelle à rendre les ambiances d’une ville peu recommandable du Haut-Royaume où la pègre et les voleurs de seconde zone se partagent les rues.

Au fil des trois romans, et à partir d’une banale affaire de vol de diamant, Iryän et ses complices vont se retrouvés confrontés à des créatures bien plus redoutables qu’un préfet de nuit. Le ton léger du premier volume n’est plus qu’un souvenir à la fin de troisième volet, au terme d’aventures sanglantes ponctuées de morts violentes et de scènes de tortures, heureusement peu nombreuses.

Si je ne m’abuse, cette trilogie est une oeuvre de jeunesse, remaniée pour intégrer le cycle du Haut-Royaume. Et si on y regarde bien, on trouvera en germe certains éléments, réutilisés et améliorés notamment dans les Lames du Cardinal et la trilogie Wielstatd.

Comme à son habitude, l’auteur a su donner vie à un personnage diablement attachant, même s’il est également entouré de comparses dignes d’intérêt. Ce sang-mêlé, loyal et fidèle à ses amis, capable de tout sacrifier pour une vengeance, inspire à la fois une franche sympathie et un brin de méfiance tant il se laisse emporter facilement par sa nature drac.

Bien que je place cette trilogie un cran en-dessous des autres oeuvres de Pevel, j’ai pris davantage de plaisir à cette lecture que pour certains « mastodontes » de la littérature fantasy anglo-saxonne. Pevel reste une valeur sûre de ce genre littéraire, pas de doute là-dessus !

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L’épouvantable encyclopédie des fantômes de Pierre Dubois

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Croyez-vous aux fantômes ? Moi, pas du tout. Il y a longtemps, j’ai bien cru que j’avais rencontré un fantôme en Ecosse (c’est quand même un peu leur patrie) mais je n’ai jamais pu en être certaine, le doute a donc demeuré.

En lisant le magnifique ouvrage de Pierre Dubois, je suis cependant tentée de revoir mon opinion et de sonder mes certitudes. Mon elficologue préféré a récolté des anecdotes, retranscrit des témoignages et étudié les sources folkloriques de ces habitants des limbes, avec une plume pleine de grâce un rien désuète, de richesse et d’élégance, servie par les magnifiques illustrations de Carine M. et Elian Black’Mor qui m’ont rappelée plus d’une fois l’univers de Tim Burton.

Au détour de ces pages, vous croiserez des revenants plutôt classiques, de ceux qui hantent les manoirs et les cimetières, les dames blanches, mal-morts, lupeux, banshies et autres créatures, le choix est vaste, ma foi. On les entend avant de les voir et ils surgissent dans votre vie à n’importe quelle époque de l’année, même à Noël !

Si l’atmosphère est parfois mélancolique ou fantaisiste, le ton est résolument macabre, les fantômes sont loin d’être bienveillants, ils terrifient, tuent, tourmentent, bref, rendent la vie impossible. De quoi donner des cauchemars…

Cette lecture suit de peu finalement celle de Gaiman, L’étrange vie de Nobody Owens, et on sent bien la filiation entre les deux oeuvres, pas seulement à cause de la présence des fantômes, plutôt en raison de leur perception du monde des morts. Les fantômes aussi ont besoin d’un monde encore un peu champêtre, un peu sauvage, une part d’ombre et de mystère que l’on dissipe hélas, à coups de parkings et d’allées gravillonnées dans des banlieues bien trop urbanisées. Ne plus croire au fantôme, ne plus lui prêter attention, n’est-ce pas mépriser un peu ou dédaigner les contes d’autrefois, le folklore de nos campagnes et la part de merveilleux qu’il n’y a pas si longtemps encore, on cultivait sans s’en rendre compte ?

Alors, pouvait-il y avoir mauvaise surprise ou déception avec Pierre Dubois ? Non, bien sûr. « La suite, peut-être… en revenant ? ».

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